Vieil Angoulême - précédent : Palais Taillefer - suivant : Châtelet
Isabelle Taillefer, veuve de Jean sans Terre, roi d'Angleterre, et son second époux, Hugues X de Lusignan, décidèrent de construire sur des terrains acquis en 1228, un « chasteau neuf » destiné à défendre la partie orientale de la ville et en même temps plus vaste et plus habitable que le Châtelet et le palais Taillefer.
Les travaux commencèrent par l'aménagement d'une cour hémicirculaire protégée par des tours de même forme. A la fin du XIIIe siècle, Hugues XII de Lusignan y élève un donjon polygonal relevé par Hugues XIII le Brun au début du XIVe siècle, l'ensemble étant protégé par une courtine avec des tours. Jeanne de Fougères y ajouta une vaste et magnifique salle appelée « salle du chasteau de la Reine » qui devint « l'arsenal » pendant la Révolution. De 1445 à 1467, Jean de Valois-Orléans, « le bon comte Jean », adjoignit un nouveau corps de logis adossé au donjon polygonal avec de grandes ouvertures à meneaux, salles à grandes cheminées, pignon à crochets, jouxtant une tour qui fut achevée par son fils Charles de Valois. Sur trois niveaux, chaque étage comprenait une grande salle et un petit cabinet aménagé dans l'épaisseur du mur. C'est dans la salle haute que la tradition a fait naître en 1492 Marguerite d'Angoulême . A l'ouest de cette tour, un pavillon carré fut construit à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe siècle improprement appelé d'Epernon. Quant au duc d'Epernon, gouverneur d'Angoumois, attaqué dans ce château par des Ligueurs, il fit construire pour sa sécurité une enceinte avec casemates et échauguettes (dont il reste quelques vestiges rue de Bélat). Une partie du château fut par la suite transformée en prison, notamment à la Révocation de l'édit de Nantes et pendant la Terreur. Au XVIIIe siècle, le parc entourant le château fut transformé en place (actuelle place New York) et en lotissement créant ainsi un nouveau quartier (actuel quartier de la Préfecture).
Le château - devenu ducal depuis François Ier - était assez délabré au XIXe siècle : bastions détruits, enceintes démantelées et des boutiques et des étals y étaient accolés. En 1838, le maire Normand de La Tranchade signalait l'exiguïté des locaux municipaux, situés dans un ancien théâtre, et sollicitait la remise à la ville de l'ancien château. Le département accepta : un accord fut signé en 1842 demandant de « veiller avec le plus grand soin au caractère monumental et historique du château ». L'étude du projet fut confiée à Paul Abadie (père) qui envisagea la restauration et l'aménagement du château, son dégagement et la création de nouvelles voies d'accès. Mais ce projet ayant suscité de nombreuses protestations, on chargea Paul Abadie (fils) d'établir un nouveau plan. Désireux de construire un « palais municipal », modifiant sans cesse son projet, rajoutant des éléments de décoration, envisageant successivement des démolitions, Abadie fit de façon inquiétante grossir les dépenses, suscita pendant de longs mois l'opposition de la Société Archéologique et Historique de la Charente qui réussit à sauver la tour polygonale de Lusignan (XIIIe siècle) et la tour ronde Renaissance, dite de Marguerite d'Angoulême. Prosper Mérimée ayant laissé Paul Abadie poursuivre ses travaux, le reste du château fut détruit.
A sa place s'élève le nouvel hôtel de ville. La partie septentrionale, avec l'entrée principale, comporte un corps de bâtiment reposant sur un péristyle qui rappelle un cloître ogival. Au centre, s'élève un beffroi terminé par un campanile, l'architecte ayant voulu rappeler le Moyen Age, époque des libertés communales ; et, sous le balcon du premier étage, au tympan, un bas-relief montre le roi Charles V remettant la charte communale au maire d'Angoulême en 1373, ce qui est historiquement faux, la première charte communale ayant été octroyée aux habitants en 1204 par le roi Jean sans Terre. Les ailes est et ouest, d'une ordonnance plus stricte, possèdent un entresol, le côté est englobant le donjon du XIIIe siècle jadis surmonté d'un télégraphe Chappe. Au sud, le pavillon d'Epernon a été remplacé par un bâtiment de style Renaissance avec de larges et hautes baies à meneaux, flanquant la tour de Marguerite d'Angoulême. A l'intérieur, on accède par un majestueux escalier d'honneur au grand salon ou « salle des fêtes » qui, avec la tribune des musiciens, l'imposante cheminée de pierre sculptée ornée de cariatides, ses hautes fenêtres et sa brillante décoration Napoléon III, témoigne de cette volonté d'apparat.
Cet hôtel de ville est donc un symbole : lieu de pouvoir, d'administration et de représentation, à travers les allusions au Moyen Age, à la Renaissance et au Second Empire. Après dix années de travaux (1858-1868), l'achèvement fut fêté les 29, 30 et 31 mai 1868. L'hôtel de ville fut inauguré par Babaud-Laribière, désigné par le gouvernement provisoire de la République, le 6 septembre 1870. retour.